L'appel à communication est clos.
Ces dernières années, la thématique du « bien vieillir » est devenue un axe programmatique pour les pouvoirs publics. Pour des raisons économiques et de santé publique, les Etats occidentaux, confrontés au vieillissement démographique et à l’allongement du cycle de vie, mettent progressivement en place des mesures pour que les personnes âgées puissent mieux vivre au quotidien. La volonté des personnes vieillissantes étant de conserver leur « chez soi » le plus longtemps possible, les acteurs publics mettent en place ou soutiennent des initiatives locales allant dans ce sens : accessibilité des espaces publics, aides à l’adaptation du logement, transport public adapté, portage de repas, etc.
Pour autant, le domicile, pensé en termes d’espace
habité, incluant le « chez soi », les relations de proximité, les objets
familiers, les lieux fréquentés, n’exclut pas la mobilité spatiale. Alors que
le vieillissement est traditionnellement associé à l’immobilisme, au repli sur
soi, des personnes âgées, encore autonomes, déménagent, changent de quartier,
de ville ou de région, parfois même de pays. Certaines d’entre elles font le
choix de s’installer dans un habitat offrant un logement pour soi, mais aussi
des espaces de vie collective et des services à la personne. En Europe ou en
Amérique du Nord, des acteurs privés, publics, associatifs (…) développent ces ″habitats intermédiaires″ pour retraités, se situant entre le logement ″ordinaire″
et la maison de retraite médicalisée. Ils sont conçus pour des personnes âgées
non dépendantes, et se déclinent sous de multiples formes : Résidences
services, Résidences seniors, Béguinages, Habitat groupé, Domiciles Services,
Habitat Kangourou (Belgique), Maison des générations (Allemagne), habitat
autogéré intergénérationnel, Assisted Living (Royaume-Uni), Sun city (USA),
etc. En France, ces nouvelles formules d’habitat à destination des seniors
viennent compléter l’offre en logements-foyers qui demeure la plus répandue.
Les acteurs institutionnels ont bien compris que
l’habitat constituait l’un des aspects centraux permettant des réaménagements
de vie pour continuer à être soi, et que les « établissements » d’accueil pour
personnes âgées ne pouvaient pas être les seules réponses à proposer. Le
développement des habitats intermédiaires révèle la prise en compte par leurs
concepteurs des attentes plurielles de retraités qui, avec l’avancée en âge,
cherchent à ne pas être réduits à un corps pensant, voire un corps sans pensée.
D’ailleurs, certaines personnes assumant pleinement le fait que le
vieillissement entraîne une modification du rapport au monde, prennent déjà
l’initiative de créer par elles-mêmes des lieux de vie collectifs, leur
permettant de vieillir en se promettant une entraide réciproque.
Il reste que les habitats intermédiaires, pensés par
des tiers, pour des personnes âgées, sont aussi les produits d’une réflexion
qui n’est pas exempte de clichés, que les termes « bien vieillir », « bien-être
», « bien vivre ensemble sa retraite » véhiculent. Derrière la diversité des
formules cherchant à répondre à la diversité des demandes, ne se construit-il
pas une représentation dominante visant à dire que la vieillesse, comme la vie
professionnelle, est une épreuve individuelle ? « Réussir sa vieillesse »
deviendra-t-il un enjeu pour soi, construit socialement, et renforcé demain par
l’arrivée dans la « vieillesse » de générations porteuses de nouveaux modes de
vie et de nouvelles configurations familiales ? Ce colloque international, qui
participe au programme de recherche de la Région Centre « L’Habitat de demain
», vise à poursuivre cette réflexion, en proposant trois principaux axes
thématiques.
Axe 1 :
Habitats intermédiaires et territoires.
Il s’agira de questionner le développement des
habitats intermédiaires en s’appuyant sur des situations françaises et
étrangères : comment se créent ces nouveaux habitats pour retraités qui sortent
du champ médico-social ? Comment ces types d’habitat s’intègrent-ils aux modes
de vie des personnes, les transforment-ils, les normalisent-ils ? Qui sont
exactement les acteurs à l’origine des habitats intermédiaires ? Comment les
projets émergent-ils ? Comment s’articulent les politiques voulues par les élus
locaux et les stratégies des acteurs de l’habitat ? Quels rôles jouent
exactement les acteurs institutionnels du vieillissement (par exemple, en
France, les Conseils généraux détenteurs de la compétence « personnes âgées »)
? Quelles différences de conception peut-on relever entre des réalisations
visant une clientèle riche ou modeste, des projets publics ou privés, urbains
ou ruraux ? Quelle place est-il donné aux personnes âgées pour penser ces
habitats et comment sont pris en compte les questions de santé physique et
mentale ? Enfin, quelles sont les particularités des habitats communautaires
autogérés ? Dans ce domaine, quels bilans tire-t-on des réalisations les plus
anciennes, développées par exemple en Allemagne, Suède, ou encore au Canada ?
Axe 2 :
Changer de résidence, changer de mode de vie ?
L’objectif de ce colloque est également d’interroger
les parcours de vie des personnes âgées, faits de mobilités et d’ancrages
territoriaux. Changer ou non de résidence, venir ou non s’installer dans un
habitat pour retraités résultent de parcours sociaux pris dans les
transformations des relations au sein des familles élargies, des relations
entre les hommes et les femmes, et dans les transformations du monde du
travail. Comprendre les raisons des changements de lieu habité ou du maintien
dans un même lieu, c’est en saisir le sens à partir du point de vue de
l’individu ; mais c’est aussi saisir le sens social de ce point de vue, ce qui
conduit à appréhender l’histoire individuelle comme une histoire sociale, i.e à
rechercher les facteurs sociaux qui, au delà de la situation particulière,
rendent possible la compréhension sociologique des faits observés. Au cours de
l’existence, les changements de lieu de résidence ont pu être liés à une
rupture affective (ou à une union), à une rupture professionnelle (ou à une
mobilité professionnelle), à une rencontre offrant une opportunité de mobilité
sociale, à une aspiration à l’autonomie (pour les femmes en particulier), etc…
Ces événements qui ne sont pas sans rapport avec la position au sein de
l’espace social, ont-ils ensuite un lien sur les manières d’habiter et les
changements d’habitat au cours de la retraite ? L’installation dans un habitat
intermédiaire a-t-elle la même signification que les autres changements
résidentiels survenus préalablement dans les histoires personnelles ? Que
recherchent les résidents d’un habitat dédié aux retraités : un cadre de vie
plaisant, de la sécurité, un logement adapté et fonctionnel, le maintien de
leur autonomie ? Quels rôles jouent les proches dans la décision de s’établir
dans le nouvel habitat ? Se pose également la question du futur : les habitants
appréhendent-ils leur logement comme un espace-temps « intermédiaire » ou
plutôt comme leur dernier « chez-soi » ?
Axe 3 :
Vivre chez soi, vivre avec les autres.
Enfin, ce colloque interrogera le quotidien des
personnes qui s’installent dans des habitats dédiés aux retraités. Chaque type
d’habitat se distingue par la configuration singulière des espaces privés et
collectifs, par sa taille et les formes d’insertion du lieu dans
l’environnement immédiat (fermé vs ouvert ; immeuble vs maisons ; centre vs
périphérie, rural vs urbain, etc.), par les règles de vie commune, par les
activités et les services proposés, par les protections apportées à la
personne, par les droits et les devoirs des résidents, tout cela pouvant varier
non seulement d’un habitat à un autre, mais également au sein d’un même habitat
en fonction du statut d’occupation (locataire, propriétaire) et de la situation
conjugale. Au delà de ces diversités, ces habitats interrogent par leur
caractère plus ou moins fermé. Comment s’intègrent-ils dans les contextes
locaux ? Si certains peuvent formellement être assimilés à des gated
communities, quels échanges sociaux et économiques existe-t-il entre les habitants de ces habitats
intermédiaires et les habitants des territoires environnants ? Les personnes
qui s’installent dans les habitats intermédiaires, principalement des femmes,
aspirent-elles à vivre leur quotidienneté dans « l’entre soi » ? Ne
souhaitent-elles pas aussi, ou plutôt, se protéger de leur vieillissement en
ayant un « chez soi » intégré dans un collectif qui pose comme norme « le souci
de l’autre » ? Car la sécurisation est aussi assurée passivement par les
co-résidents et par le personnel de la structure lorsque des professionnels
sont présents sur place jour et nuit. Si, là encore, il existe une pluralité de
comportements, en quoi les façons d’être en relation avec la famille, les
voisins, les amis, les personnels, les habitants à proximité de l’habitat
intermédiaire varient-elles selon les caractéristiques sociales des personnes
(le genre, le milieu social, la situation conjugale,…), selon les
caractéristiques du lieu habité ? Sont-elles radicalement différentes de celles
des personnes entrant dans des établissements pour personnes âgées dépendantes
?
Cet appel à communication s’adresse aux chercheurs et
enseignants-chercheurs ainsi qu’aux doctorants en sciences sociales qui seront
en mesure d’éclairer la relation entre les modes d’habiter et le
vieillissement, ou encore le processus de socialisation dans certains types
d’habitats : habitats autogérés, intergénérationnels, communautaires, habitats ″fermés″…
D’autres
recherches portant sur la fragilisation des personnes âgées et les
diverses formes du soutien durant la vieillesse permettront de
compléter la réflexion sur ces trois axes thématiques.
Seront privilégiées les propositions qui s’attacheront à la valorisation des résultats de recherches empiriques ainsi qu’à la comparaison internationale.
- Les résumés des propositions de communication en
français ou en anglais devront indiquer : nom, prénom, adresse électronique,
statut et institution d’attache du ou des auteur(s). Ils comprendront 2500
signes (espaces compris, notes et bibliographie incluses) et devront être
transmis au plus tard le 8 janvier 2013, sous format Word, à colloque.tours.2013@gmail.com.
Cette adresse de messagerie peut aussi être utilisée pour les demandes
d’informations complémentaires.
- Les avis du comité scientifique seront transmis aux
auteurs au plus tard fin janvier 2013.
- Les communications seront présentées en français,
ou en anglais pour les étrangers qui ne parlent pas du tout le français (avec
un support de présentation en français). Ces derniers pourront être aidés par
les membres du comité d'organisation pour la traduction de leur support de
présentation.
- Les frais d’inscription au colloque sont fixés à 50
€ pour les chercheurs et 25 € pour les doctorants.
- Au moment de la sélection, des informations seront
transmises aux participants sur les hôtels et autres possibilités
d’hébergement, sur les modalités de transport, etc. La gare de Tours est reliée
aux gares SNCF TGV de Paris-Montparnasse (1 heure) et Roissy-Charles-de-Gaulle
(1 heure 40).
Le colloque accordera une place importante aux
différents acteurs de l’habitat des seniors. Au-delà des communications que
proposeront des chercheurs ayant travaillé sur les thématiques évoquées,
plusieurs tables rondes seront organisées avec des professionnels, des
décideurs publics et des acteurs privés (bailleurs sociaux, gestionnaires, élus
locaux, concepteurs de résidences seniors, agences d’urbanisme…).